Le Conseil constitutionnel était déjà intervenu en décembre pour vérifier la constitutionnalité des assignations à résidence prononcées dans le cadre de la loi de 1955 sur l’état d’urgence.

Vendredi 19 février, le juge constitutionnel rend deux décisions qui consolident le dispositif législatif de l’état de crise même si l’invalidation des perquisitions donnant lieu à des copies des données informatiques a été prononcée, le juge estimant à juste titre qu’on était en présence de saisies qui demandent des garanties renforcées, notamment l’intervention du juge judiciaire.

Hormis cet aspect, important, il faut relever que le Conseil constitutionnel non seulement valide le principe des perquisitions administratives prononcées sur le fondement de la loi modifiée du 3 avril 1955 mais encore ne trouve rien à redire sur la possibilité pour le ministre de l’intérieur ou le préfet d’ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones déterminées par décret ainsi que les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre.

Ce faisant, le Conseil constitutionnel adopte une attitude raisonnable dans la conciliation entre le droit d’expression collective des idées et des opinions et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.

Au final, le juge consolide constitutionnellement l’état d’urgence et se pose la question de la nécessité de maintenir le projet de révision constitutionnelle en l’état en ces dispositions relatives aux mesures de police. L’aménagement de la loi suffit sous réserve de prévoir l’intervention du juge judiciaire (saisies informatiques). Il reste que sur les autres dispositions (autorisation législative de la prorogation, contrôle du Parlement…), le projet de loi constitutionnelle adopté en première lecture par les députés et discuté en mars par les sénateurs reste totalement fondé.

Décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 (interdiction de réunion, manifestation) : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative, opèrent une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre le droit d’expression collective des idées et des opinions et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ».

Considérant que, pour les motifs mentionnés aux considérants 7 à 9, les dispositions contestées opèrent une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d’entreprendre et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public

Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 (perquisitions) : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions des premier, deuxième, quatrième à sixième alinéas ainsi que de la première phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative, opèrent, s’agissant d’un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être limités dans le temps et l’espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou les conséquences de la calamité publique auxquels le pays est exposé, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789 et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ; que ne sont pas non plus méconnues les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 »

Considérant que les dispositions de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 permettent à l’autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d’accéder au cours de la perquisition ; que cette mesure est assimilable à une saisie ; que ni cette saisie ni l’exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l’occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s’y oppose et alors même qu’aucune infraction n’est constatée ; qu’au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition ; que, ce faisant, le législateur n’a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, les dispositions de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955, qui méconnaissent l’article 2 de la Déclaration de 1789, doivent être déclarées contraires à la Constitution