Permettant, dans sa rédaction initiale, au seul président de la République de solliciter directement le peuple en vue d’adopter un projet de loi dans certaines matières ou d’autoriser la ratification d’un engagement international, l’article 11 relevait de ce que les juristes appellent les « pouvoirs discrétionnaires » du chef de l’Etat. C’est une arme stratégique entre ses mains dont a utilisé le général de Gaulle pour asseoir la légitimité de ses réformes constitutionnelles et les présidents François Mitterrand et Jacques Chirac pour entériner des évolutions de l’Union européenne. Avec plus ou moins de succès comme chacun le sait. La révision constitutionnelle de l’été 2008 tente de mettre fin à un quasi-monopole du président de la République en matière d’initiative référendaire. Instaurant un droit d’initiative minoritaire partagée entre parlementaires et électeurs (et non « d’initiative populaire »), le nouvel article 11 prévoit qu’un référendum « peut être organisé » sur une proposition de loi « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlements, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ».

Cette proposition de loi doit évidemment respecter certaines conditions sous le contrôle du Conseil constitutionnel : des conditions liées à la collecte des signatures (1/5e des parlementaires + 4 millions d’électeurs, qui se greffent à la proposition de loi par voie électronique) ; des conditions liées à l’objet du référendum qui doit respecter la Constitution.

Si la proposition de loi n’a pas fait l’objet d’au moins une lecture (et non d’un vote !) par chacune des deux assemblées dans un délai fixé par la future loi organique, le président de la République la soumet au référendum dans les quatre mois qui suivent l’expiration de ce délai.

Le Sénat dispose ainsi d’une arme stratégique. Il est effectivement en mesure de solliciter l’organisation d’un référendum sur un sujet sensible (par exemple le droit de vote des étrangers aux élections locales). Il suffit à la majorité sénatoriale de refuser d’examiner une proposition de loi ayant récolté toutes les signatures dans le cadre du nouveau dispositif. Le refus de lecture « neutralise » le pouvoir discrétionnaire du président de la République en l’obligeant, selon les termes de l’article 11 de la Constitution, à organiser un référendum et à promulguer la proposition de loi en cas d’adoption populaire ( » Lorsque le référendum a conclu à l’adoption (…) de la proposition de loi, le président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation. « )

D’aucuns diront que le président de la République peut refuser d’organiser la consultation populaire car l’usage présidentiel de l’article 11 est une faculté, non une obligation. Effectivement l’alinéa 1er, qui donne au président la faculté de prendre l’initiative référendaire, dispose que « le président de la République (…) peut soumettre au référendum » un projet de loi. Mais a contrario l’alinéa 5 du même article est rédigé à l’indicatif présent : « Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées (…) le président de la République la soumet au référendum ». Le doute n’est donc pas permis : cette disposition impose une obligation au président de la République.

Il reste au législateur à parfaire le dispositif, l’article 11 étant la seule réforme de 2008 en attente des dispositions organiques en assurant l’application.

Publié au Monde